© Nadia Pla
Page créée le 29 juillet 2020
Dernière : mise à jour : 6 mai 2024
Pour en savoir un peu plus sur… l’École de Salerne
Au début du Moyen Âge, la médecine reposait surtout sur la pratique, il y avait très peu de textes médicaux écrits, et pas d’écoles de médecine.
À partir du Xe siècle, à Salerne, en Italie, on commence à traduire en latin les ouvrages de médecine écrits par les savants arabes (le plus connu est Avicenne, ou de son vrai nom arabe Ibn Sina). Ces médecins arabes avaient eux-mêmes traduits les traités des grands médecins grecs Hippocrate (Ve s. av. JC) et Galien (IIe s. ap. JC).
Aux XIe et XIIe siècle se développe à Salerne la première école de médecine du monde occidental. Les plus grands médecins d’Europe viennent s’y former, avant que Montpellier, puis Oxford et Paris ne prennent le relais.
Pour en savoir un peu plus sur… la théorie des quatre humeurs
Selon cette théorie, notre corps est régi par quatre « humeurs », c’est-à-dire liquides corporels. S’ils sont équilibrés, le corps est en bonne santé ; si l’une ou plusieurs de ces humeurs sont en excès, le corps est malade.
Cette théorie a eu cours depuis l’Antiquité grecque (vers le IIe s.) jusqu'au XVIIe s. ! Vous avez certainement lu ou entendu dans des pièces de Molière la mention de malades qu’il fallait « purger » ou « saigner » : il s’agissait de réduire la quantité d’une de ces humeurs pour rétablir l’équilibre.
Ces différentes humeurs ont parfois été appelées de différents noms selon les époques et les auteurs. Je vous indique toutes les variantes dans le schéma ci-dessous.
La théorie a été complexifiée au cours du Moyen Âge, pour devenir un véritable système, associant à chacune des quatre humeurs un des quatre éléments et y intercalant les quatre états (chaud, froid, sec, humide).
Cette théorie prétendait expliquer non seulement la santé physique, mais aussi la santé psychique. Il nous en reste de nombreuses traces dans la langue française :
être de bonne ou de mauvaise humeur
avoir de l’humour
avoir tel ou tel tempérament
être en colère
être mélancolique
être flegmatique
avoir la flemme
se faire de la bile
broyer du noir
entrer dans une colère noire
avoir un coup de sang
faire quelque chose de sang froid
etc.
Pour en savoir un peu plus sur… les tempéraments
On appelait « tempérament » l’ensemble des caractéristiques physiques et psychiques de chaque être humain, que l’on pensait être liées à la proportion d’humeurs dans son corps. Les tempéraments dépendaient du sexe (les femmes étaient considérées comme plus froides et humides que les hommes), de l’âge (les vieillards plus froids et secs), de la zone géographique, du milieu social, du mode de vie (extérieur ou intérieur, sédentaire ou nomade, etc.) ; mais aussi de chaque individu. Il était important de savoir si un individu était naturellement plus sanguin, colérique, mélancolique ou flegmatique, pour lui attribuer le traitement médical approprié.
Aussi les auteurs de traités médicaux se sont-ils employés à dresser ce que nous appellerions des « portraits robots » d’un individu ayant les traits caractéristiques (physiques et psychiques) de chacune des quatre humeurs. Et les médecins de l’École de Salerne ont même composé quatre distiques mnémotechniques permettant de reconnaître à coup sûr l’humeur dominante d’un individu.
Ce sont ces quatre distiques que nous allons lire aujourd’hui.
Pour en savoir un peu plus sur… médecine et poésie latine
Un distique est un vers de deux syllabes.
Plusieurs traités médicaux de l’École de Salerne étaient rédigés en vers. Comme ils étaient écrits en latin, ils respectaient les mêmes règles de poésie que nous trouvons dans la littérature latine classique, chez Catulle, Virgile, Horace, Ovide, etc. Pas de rimes, mais un système rythmique reposant sur des « pieds » composés d’une quantité de syllabes équivalentes, sachant qu’une syllabe longue vaut deux syllabes brèves. Un pied en poésie est la même chose qu’une mesure en musique : par exemple, une mesure à quatre temps pourra contenir deux blanches (longues) ou bien une blanche (longue) et deux noires (brèves).
Pourquoi écrire de la médecine en poésie ? Est-ce parce que les gens de cette époque-là aimaient tout faire en beauté ? Non, pas du tout ! Tout simplement, les livres étaient rares, chers, il arrivait souvent qu’on puisse les consulter et les lire, mais sans les posséder. Dans ce contexte, la mémorisation par cœur était incontournable ; or la poésie, avec son rythme bien formaté, permet un apprentissage par cœur beaucoup plus efficace que la prose.
Les distiques de Salerne sur les quatre tempéraments
Sanguineus
Largus, amans, hilaris, ridens, rubeique coloris,
Cantans, carnosus, audax atque benignus.
Cholericus
Hirsutus, fallax, irascens, prodigus, audax,
Astutus, gracilis, siccus, croceique coloris.
Flegmaticus
Hic somnolentus, piger ; in sputamine multus,
Hebes sensus, pinguis facies, color albus.
Melancholicus
Invidus et tristis, cupidus dextraeque tenacis,
Non expers fraudis, timidus, luteique coloris.
(Regimen sanitatis Salernitanum, § 85-88, XIIe s.)
Traduction :
Le sanguin
Généreux, aimant, joyeux, rieur, et de couleur rouge,
Chantant, charnu, audacieux et bon.
Le colérique
Hirsute, imposteur, irascible, dépensier, audacieux,
Astucieux, maigre, sec, et de couleur jaune.
Le flegmatique
Celui-ci, somnolent, paresseux ; qui crache beaucoup ;
À l’esprit engourdi, le visage épais, couleur blanche.
Le mélancolique
Jaloux et triste, cupide et la main ferme,
Non dépourvu de ruse, timide, et de couleur jaunâtre.
(traduction Nadia Pla)
Et vous, quel aurait été votre tempérament, selon la théorie des humeurs ?
1) Composez votre propre portrait en latin en commençant par : « Sum… », puis en énumérant 5 ou 6 adjectifs choisis parmi ceux des distiques. Choisissez les adjectifs qui vous semblent le mieux correspondre à vos caractères physiques et psychiques.
- Si vous êtes de genre masculin, reprenez les adjectifs tels quels.
- Si vous êtes de genre féminin, pensez à accorder les adjectifs au féminin si nécessaire (rappel : les adjectifs en « -us » au masculin font leur féminin en « -a » ; les autres ne changent pas).
2) Faites la même chose pour une personne proche du genre opposé (ex : « Mater mea est… », « Soror mea est… », « Amica mea est… », « Pater meus est… », « Frater meus est… », « Amicus meus est… »)
- Si c’est une personne de genre masculin, reprenez les adjectifs tels quels.
- Si c’est une personne de genre féminin, pensez à accorder les adjectifs au féminin si nécessaire (rappel : les adjectifs en « -us » au masculin font leur féminin en « -a » ; les autres ne changent pas).
3) Dans laquelle des quatre catégories avez-vous choisi le plus d’adjectifs pour faire votre portrait ? Par conséquent, quel serait votre tempérament ? Dites-le en latin : « Sum…… » (pensez à accorder au féminin si vous êtes de genre féminin).
4) Dans laquelle des quatre catégories avez-vous choisi le plus d’adjectifs pour faire le portrait de votre proche ? Par conséquent, quel serait son tempérament ? Dites-le en latin : « Est…… meus/mea…… » (pensez à accorder au féminin si c’est une personne de genre féminin).
Pour les plus pointilleux :
Vous faites partie de ceux qui ne sont pas d’accord avec les résultats des quiz sur la personnalité dans les magazines, vous n’aimez pas être catalogués dans une case, et vous avez bien raison !
Voici des adverbes qui peuvent vous aider à nuancer votre propos :
- MAXIME = surtout - PAULUM = un peu - PAULULUM = un tout petit peu - QUOQUE = aussi - SED = mais - NON = ne… pas - TAMEN = cependant - PARTIM…, PARTIM… = en partie…, en partie… - MINIME = pas du tout, absolument pas
N'hésitez pas à m'écrire pour toute question ou suggestion
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